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Plan d'action gouvernemental 2010-2015 - Partie 1

Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance
envers les personnes aînées


Table des matières




Partie 1 - Définition d’une problématique sociale : la maltraitance faite aux personnes aînées


1. Le contexte

Le phénomène de la maltraitance envers les personnes aînées n’est pas exclusivement québécois, il touche de nombreux pays.

Le phénomène de la maltraitance envers les personnes aînées touche de nombreux pays. L’Organisation mondiale de la Santé s’est associée à l’International Network for the Prevention of Elder Abuse pour la promulgation, en 2006, de la Journée mondiale de lutte contre la maltraitance des personnes aînées, soulignée le 15 juin de chaque année. Plusieurs pays, dont les États- Unis, la Grande-Bretagne, la France et la Nouvelle-Zélande, sont déjà très engagés dans la lutte contre la maltraitance. Plus près de nous, l’Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique ont élaboré des stratégies et des programmes pour la contrer et soutenir les personnes concernées.

Le Québec se préoccupe de la maltraitance à l’endroit des personnes aînées depuis plus d’une trentaine d’années. Différents groupes de réflexion et comités d’experts ont documenté cette question, notamment le Comité sur les abus à l’endroit des personnes âgées, qui a été mandaté par la ministre de la Santé et des Services sociaux, madame Thérèse Lavoie- Roux, en 1987, pour produire le rapport Vieillir… en toute liberté 6, et le Groupe d’experts sur les aînés, dont le rapport Vers un nouvel équilibre des âges 7 a été rendu public en 1992 par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Les recommandations contenues dans ces deux rapports ont conduit à la création du Conseil des aînés, le 22 décembre 1992.

Le Conseil des aînés produit, en 1995, l’Avis sur les abus exercés à l’égard des personnes aînées 8, dans lequel il conclut qu’il faut lever le voile sur cette cruelle réalité et agir en s’inspirant des expériences fort valables réalisées dans divers milieux, en misant sur la concertation de tous les intervenants concernés et des aînés eux-mêmes. Dans la foulée de l’Année internationale des personnes âgées, en 1999, le Secrétariat aux aînés coordonne la réalisation de plusieurs projets.

La même année, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse lance une large consultation publique sur l’exploitation des personnes âgées. Elle produit, en 2001, l’imposant rapport L’exploitation des personnes âgées : vers un filet de protection resserré 9. Les recommandations contenues dans ce document traitent de sujets tels que la diffusion de l’information, la formation des intervenants, la continuité des services, l’adaptation des recours à la réalité des aînés et la nécessité d’une concertation de tous les acteurs. La Commission publie un rapport de suivi en 200510.

Plusieurs plans d’action et politiques ont vu le jour qui, sans s’attaquer spécifiquement à la problématique de la maltraitance envers les personnes aînées, ont créé des conditions propices pour en réduire la portée. Mentionnons, à ce titre, le plan d’action du Secrétariat aux aînés, Le Québec et ses aînés : engagés dans l’action – Engagements et perspectives 2001-2004, la politique de soutien à domicile Chez soi : le premier choix 11, et le document d’orientations ministérielles Un milieu de vie de qualité pour les personnes hébergées en CHSLD 12. Soulignons la politique gouvernementale À part entière : pour un véritable exercice du droit à l’égalité et son plan global de mise en oeuvre 13.À cela s’ajoute le Plan d’action 2005-2010 sur les services aux aînés en perte d’autonomie : un défi de solidarité 14, qui prévoit la mise en place, dans chaque territoire local, d’une table multisectorielle visant à contrer la maltraitance. Depuis, plus de la moitié des centres de santé et de services sociaux ont constitué des comités ou tables locales de concertation intersectorielle sur la maltraitance, 63 % des centres de santé et de services sociaux ont donné à leurs intervenants l’accès à une formation et près du tiers ont mis en place une équipe multidisciplinaire d’intervention en maltraitance. Certains centres de santé et de services sociaux ont confié à l’un de leurs intervenants le rôle de répondant en matière de maltraitance15.

Parallèlement aux actions gouvernementales, il faut souligner le travail des acteurs de différents milieux qui, par leur contribution, ont sensibilisé le grand public et les personnes aînées à la problématique de la maltraitance. On peut rappeler, à cet effet, la trousse SOSABUS, qui a été préparée conjointement par l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées et le Réseau québécois pour contrer les abus envers les aînés grâce à une subvention du ministère de la Famille et des Aînés. Lancée en janvier 2010, elle regroupe près de 80 outils de prévention, de dépistage, d’intervention ou de formation. Quelques initiatives novatrices réalisées dans les différentes régions du Québec y sont également présentées ainsi qu’un inventaire de programmes de formation. La trousse a été conçue avec l’objectif de soutenir les intervenants dans la lutte contre la maltraitance à l’endroit des personnes aînées.

En 2007, lors de la consultation publique sur les conditions de vie des aînés du Québec, la question de la maltraitance a été fréquemment soulevée tant par des aînés que par des experts ou des intervenants, au point qu’est apparue la nécessité de convenir d’un plan gouvernemental visant la mise en place d’actions structurantes et concertées.

Quelques mesures du plan d’action ont déjà été annoncées à la fin de l’année 2009. Il en va ainsi de la collaboration avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui donne lieu à l’intervention, sur tout le territoire, d’une équipe spécialisée pour contrer l’exploitation des personnes aînées. Dans le cadre d’une autre collaboration, celle-ci avec l’Autorité des marchés financiers, un dépliant intitulé Trop beau pour être vrai ? Méfiez vous ! Protégez-vous de la fraude financière a été produit et diffusé. En outre, le ministère de la Famille et des Aînés a collaboré avec le Secrétariat à la condition féminine et le ministère de la Justice du Québec dans la campagne gouvernementale de sensibilisation aux agressions sexuelles, et un dépliant destiné aux aînés a été réalisé.

On observe donc que des progrès notables ont été accomplis et qu’il existe maintenant des acquis sur lesquels bâtir. Nos efforts doivent se poursuivre afin d’offrir un continuum de services efficaces permettant de prévenir, de dépister et d’intervenir, de manière à franchir de nouveaux pas dans la lutte contre la maltraitance envers les aînés.

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2. L’état des connaissances

Qui est maltraité ?
Qui maltraite ?
Comment prévenir ?
Un phénomène encore tabou à explorer davantage.


2.1 La définition de la maltraitance

Le mot maltraitance est un terme générique couramment utilisé dans la francophonie internationale. Le présent plan d’action englobe toutes les façons de désigner les diverses formes de violence, d’abus, d’exploitation, de négligence ou de mauvais traitements envers les aînés.

Il existe plusieurs manières de définir la maltraitance* qui s’exerce à l’encontre des personnes aînées. La définition retenue par le gouvernement du Québec est celle de la Déclaration de Toronto sur la prévention globale des mauvais traitements envers les aînés, de l’Organisation mondiale de la Santé, en 2002 :

« Il y a maltraitance quand un geste singulier ou répétitif, ou une absence d’action appropriée, se produit dans une relation où il devrait y avoir de la confiance, et que cela cause du tort ou de la détresse chez une personne aînée**. »

* Fréquemment employé, le terme abus n’est pas retenu dans le cadre de ce plan d’action car il constitue une traduction littérale du terme anglais elder abuse. Son usage est toutefois correct quand il est utilisé pour parler d’une atteinte aux biens ou à l’argent (abus financier) ou d’une supercherie (abus de confiance).

** Source : Traduction libre tirée de : WORLD HEALTH ORGANIZATION, The Toronto Declaration on the Global Prevention of Elder Abuse, 17 novembre 2002.

Le milieu de vie d’une personne aînée est essentiellement le lieu où elle réside, et ce, quel qu’il soit : maison privée, condominium, logement dans un immeuble locatif, habitation à loyer modique, coopérative d’habitation, résidence pour personnes aînées ou centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). En mars 2008, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, 88,1 % des personnes âgées de 65 ans ou plus habitaient un domicile conventionnel, 8,2 % habitaient en résidences privées avec services, 3,1 % dans un CHSLD et 0,6 % dans une ressource de type familial ou intermédiaire du réseau de la santé et des services sociaux***.

***Sources : Formulaire interne AS-478 et Registre des résidences pour personnes âgées.


2.2 Les types de maltraitance

En raison des nombreuses formes que peut revêtir la maltraitance, il est difficile d’en faire une typologie exhaustive. De manière plus spécifique, les chercheurs ont l’habitude de catégoriser la maltraitance. Différents exemples de comportements ou d’attitudes sont généralement associés à chacune des catégories.

Types de maltraitance
Maltraitance physiqueFrapper une personne, la pousser, lui lancer des objets, la forcer à manger des aliments, l’enfermer, la manier avec rudesse, la faire attendre indûment pour aller à la salle de bain.
Maltraitance psychologique ou émotionnellePorter atteinte à l’identité d’une personne, à sa dignité ou à son estime de soi, l’humilier, la menacer, l’agresser verbalement, l’infantiliser, l’ignorer, l’isoler, lui tenir des propos dégradants, porter atteinte à ses valeurs, croyances ou pratiques religieuses.
Maltraitance sexuelleHarceler une personne, lui faire des attouchements, faire de l’exhibitionnisme devant elle, l’agresser sexuellement, ridiculiser un aîné qui souhaite exprimer sa sexualité.
Maltraitance matérielle ou financièreSoutirer de l’argent à une personne en faisant du chantage émotif, lui voler des bijoux, des biens ou des espèces, faire des pressions sur elle en vue d’en hériter, détourner des fonds qui lui appartiennent, la frauder par vol d’identité, par télémarketing, en utilisant de façon inappropriée des cartes de services bancaires ou une procuration bancaire.
Violation des droits de la personne*Discriminer une personne aînée en raison de son âge, lui imposer un traitement médical malgré son aptitude à décider elle-même.
NégligenceOmettre de faire un geste alors que celui-ci serait nécessaire pour le bien-être de la personne aînée. Cette omission peut être intentionnelle ou découler d’un manque de connaissance ou de conscience d’une situation donnée.

* Définition : Une personne peut toutefois être limitée dans l’exercice de ses droits, tel celui de gérer ses propres biens, à la suite d’un jugement du tribunal lui désignant un tuteur, un curateur ou un mandataire. Il s’agit alors de mesures de protection et non d’une violation de droits. Cependant, la personne protégée par un régime de protection (tutelle ou curatelle) ou par un mandat donné en prévision de son inaptitude est considérée apte à consentir à recevoir des soins si elle en comprend la nature et la portée, et cette aptitude à consentir doit être vérifiée chaque fois que des soins lui sont proposés.

 

Les personnes aînées peuvent faire l’objet de plus d’une forme de maltraitance, et ce, de la part d’un ou de plusieurs individus de leur entourage. À titre d’exemple, la maltraitance matérielle ou financière est souvent accompagnée de maltraitance psychologique ou émotionnelle. De fait, rares seraient les personnes touchées par un seul type de maltraitance 16.

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2.3 Les indices de maltraitance

Parler de signes de maltraitance renvoie inévitablement à la question du dépistage. Quoi observer ? Quelles questions poser ? À qui les poser ? Il existe différentes façons de faire du dépistage. Mentionnons les suivantes :

  • Poser des questions directes à la personne que l’on croit être en situation de maltraitance;
  • Rechercher les signes physiques qui peuvent être révélateurs de changements importants possiblement associés à la maltraitance;
  • Étudier les conjonctures démographiques ou sociales et examiner les conditions de vie, surtout si la personne vit une réalité particulière, à l’aide de grilles ou d’outils appropriés17.

La maltraitance pouvant prendre des formes diverses (physique, psychologique, matérielle…) et se produire dans des contextes variés, il est donc naturel que les personnes susceptibles de la détecter proviennent, elles aussi, de différents milieux de vie ou de travail. Or, bien que tout individu soit capable de relever certains signes de maltraitance, on comprendra que certaines personnes sont mieux placées pour la détecter : les personnes travaillant dans des institutions financières, pour s’inquiéter des trop nombreux retraits effectués dans un compte bancaire, ou le personnel soignant, pour remarquer des signes de violence sur des parties du corps habituellement dissimulées par des vêtements.

En raison de la diversité et de la complexité du phénomène, il serait présomptueux de tenter de dresser une liste exhaustive des indices de maltraitance, d’autant plus que souvent, ils ne sont révélateurs qu’une fois conjugués à d’autres indices. Il est important de préciser que des indices très diversifiés peuvent être présents dans différents types de maltraitance, et que quelques-uns, comme le manque d’hygiène ou la dépression, peuvent être considérés comme des symptômes de maltraitance*.

*Bien que ces deux notions puissent parfois se recouper, il ne faut pas confondre le symptôme et l’indice. Le premier est le signe apparent d’un état sous-jacent existant (par exemple une maladie) alors que le second comporte un élément de probabilité. Un symptôme est toujours un indice alors qu’un indice n’est pas nécessairement un symptôme.

Indices possibles de maltraitance
Maltraitance physiqueEcchymoses, blessures, réponses évasives ou défensives aux questions liées à un incident, histoire familiale de violence ou d’agression, changement dans les comportements, perte de poids, malpropreté de l’environnement physique.
Maltraitance psychologique ou émotionnelleDépendance, dépression, manque d’hygiène, pertes cognitives (en particulier, déclin rapide)18.
Maltraitance sexuellePlaies dans la région génitale ou anale, infections génitales, irritation génitale ou vésicale, problème de sommeil, angoisse excessive de la personne lorsqu’on la change de vêtements ou qu’on lui fait prendre son bain, comportements agressifs, dépression, méfiance envers les autres.
Maltraitance matérielle ou financièrePlus grand nombre de transactions bancaires, transactions immobilières inhabituelles, accumulation d’objets inutiles, disparition d’objets de valeur.
Violation des droits de la personne*Privation du droit de consentement aux soins ou du droit de refus de traitement, non-respect de la confidentialité des renseignements personnels, privation du droit d’une personne de gérer ses propres fonds ou ses propres biens alors qu’elle est en mesure d’exercer ses droits de façon autonome ou avec un minimum d’assistance ou souhaite le faire.
NégligenceManque d’hygiène, malnutrition, affections cutanées, problèmes d’élimination (constipation, problèmes urinaires), isolement social.

 

C’est bien souvent à contrecoeur que les personnes aînées, femmes ou hommes, portent plainte ou dénoncent la maltraitance qu’elles subissent. Parce qu’elles éprouvent de la honte ou parce qu’elles souhaitent protéger quelqu’un, elles auront même plutôt tendance à la dissimuler. Cette attitude contribue à faire de cette question un sujet tabou.

De plus, nombre d’entre elles ne réalisent pas qu’elles sont maltraitées; au coeur d’une dynamique relationnelle déficiente, elles ne se rendent pas compte qu’elles sont peu à peu passées d’une situation désagréable à une situation de maltraitance. D’où la très grande importance de mieux reconnaître les principaux indices de maltraitance afin d’y mettre fin ou d’orienter les personnes vers les ressources appropriées.

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2.4 L’ampleur du phénomène

L’existence de la maltraitance est un phénomène dont témoignent plusieurs études réalisées dans différents pays. Les enquêtes populationnelles récentes révèlent que les cas de maltraitance les plus fréquents sont des cas de négligence, bien que le taux de prévalence puisse varier en fonction des critères utilisés ou du degré de profondeur des entrevues. Ce taux est de 8,6 % en Angleterre19, de 16 % en Espagne20 et de 26 % en Israël 21. Dans la majorité des études populationnelles, la maltraitance matérielle ou financière arrive au deuxième ou au troisième rang.

Selon deux grandes études pancanadiennes effectuées l’une à la fin des années 1980 et l’autre à la fin des années 1990, 4 % des personnes âgées vivant à domicile sont aux prises avec une forme ou une autre de maltraitance infligée par leurs proches, en particulier sur le plan matériel ou financier 22. Avec des critères de mesure plus raffinés, la seconde étude montre un taux de prévalence de 7 % 23. Il serait, toutefois, erroné de conclure que la maltraitance a quasiment doublé en dix ans. L’augmentation que l’on note d’une étude à l’autre s’explique notamment par le fait que les mesures prises lors de la seconde étude étaient plus sensibles. Selon les chercheurs, ces données ne représentent qu’une portion de la réalité, en raison des limites méthodologiques de ce type d’enquête : d’une part, les personnes interrogées doivent être en mesure de répondre aux questions par téléphone et, d’autre part, au cours de l’entrevue, elles ont pu taire des informations en raison de la proximité physique de la personne en cause dans la situation de maltraitance.

Au Québec, selon les données des organismes qui offrent des services directs aux personnes aînées 24, la maltraitance matérielle ou financière est régulièrement désignée comme étant la plus fréquente. On estime qu’elle sera en hausse dans les prochaines années en raison de la croissance absolue de la population âgée, de l’importance du capital financier des aînés, de l’augmentation de la vulnérabilité avec l’avancée en âge et de la sophistication des techniques employées pour soutirer de l’argent 25. Selon les données de DIRA-LAVAL, un organisme qui accueille, évalue, réfère et accompagne des personnes aînées en situation de maltraitance*, 35 % des demandes qui lui sont adressées ont trait à des abus financiers. Quant aux répondants de la ligne Info-Abus du Centre de santé et de services sociaux Cavendish, ils soutiennent que 42 % des appels qu’ils reçoivent sont liés à ce type de maltraitance 26.

Ces diverses études confirment que la maltraitance envers les personnes aînées existe bel et bien au Québec. Il importe toutefois de poursuivre les recherches pour mieux en cerner l’ampleur et en déterminer les caractéristiques.

* DIRA-Laval est un organisme qui offre des services destinés aux personnes aînées en situation de maltraitance. Il effectue plus de 4 000 accompagnements par année.


2.5 Les caractéristiques des personnes aînées en situation de maltraitance

Parmi les études recensées pour décrire les caractéristiques des personnes aînées en situation de maltraitance, certaines concernent l’ensemble de la population et d’autres, une clientèle recevant des services directs. Le portrait des personnes maltraitées qui en découle peut être général ou se décliner par type de maltraitance. Aucune étude n’arrive aux mêmes résultats parce que les critères de mesure divergent de même que la population ou la clientèle des services observés. Ainsi, on trouve des personnes ayant fait l’objet d’actes de maltraitance tant dans les milieux privilégiés que dans les communautés défavorisées. De plus, en raison de leur poids démographique plus important*, les femmes seraient plus touchées que les hommes par la maltraitance. Cependant, une fois les données pondérées selon le poids démographique, les experts précisent que les hommes sont presque aussi souvent en situation de maltraitance que les femmes, mais que le dépistage s’avère souvent plus complexe dans leur cas 27. Cet état de situation pourrait être mieux documenté, ce qui permettrait de mieux adapter les programmes d’intervention 28.

S’il est difficile de cerner des caractéristiques propres aux personnes en situation de maltraitance, plusieurs études indiquent que celles-ci peuvent présenter des facteurs de vulnérabilité et qu’il peut y avoir, dans leur environnement, des facteurs de risque 29 susceptibles d’accroître la probabilité de maltraitance. Cependant, il n’y a pas nécessairement de lien de cause à effet entre ces facteurs et la présence de maltraitance 30. Ainsi, la personne qui présente des facteurs de vulnérabilité ne sera pas nécessairement maltraitée et, inversement, celle qui ne présente aucun facteur de vulnérabilité peut être atteinte s’il y a une personne au comportement violent ou négligent dans son entourage. Il est donc primordial pour les intervenants non seulement de bien évaluer la condition de la personne aînée, mais aussi d’apprécier les forces et les faiblesses de son environnement immédiat et de son environnement social, puisqu’il y a là une interaction qui peut être déterminante pour que la personne subisse des actes de maltraitance.

* Source : Selon l’Institut de la statistique du Québec, près des deux tiers des personnes de 75 ans ou plus sont des femmes. Voir Le bilan démographique du Québec, Édition 2008, p. 20.


2.5.1 Les facteurs de risque

Les facteurs de risque de maltraitance sont davantage liés à l’environnement social et humain qu’aux caractéristiques personnelles. Ainsi, lorsque les proches d’une personne aînée vivant à domicile lui prodiguent peu de soins ou de services, cela constitue un facteur de risque pour un certain type de maltraitance : la négligence 31. Les facteurs de risque les plus fréquemment mentionnés dans la littérature sont les suivants : les conflits avec des membres de la famille ou des amis 32, la cohabitation avec un ou plusieurs de ses proches, une tension dans la relation entre la personne aînée et celle qui lui donne de l’aide 33 et le fait que la personne aînée partage son domicile avec la personne qui la maltraite 34. Ainsi, la maltraitance peut se produire lorsqu’une personne constitue un fardeau pour un proche épuisé ou lorsqu’elle vit avec un proche qui lui-même a des problèmes de santé. Le simple fait de vivre isolé et d’avoir un réseau social peu développé peut aussi constituer un facteur de risque.

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2.5.2 Les facteurs de vulnérabilité

Les facteurs de vulnérabilité à la maltraitance sont liés à des caractéristiques personnelles telles que l’état de santé ou le comportement. Une personne est plus vulnérable si elle est affectée de problèmes de santé physique 35, de pertes cognitives ou de problèmes de santé mentale 36. La consommation de psychotropes peut jouer un rôle ainsi que le manque de contacts sociaux 37 et les difficultés comportementales ou émotives 38. Seraient plus vulnérables à la maltraitance, les personnes présentant un ou plusieurs des facteurs suivants : pertes cognitives sévères, dépression, delirium ou résistance aux soins 39. De plus, une personne aînée qui souffre de différents maux que sa condition physique ou mentale l’empêche d’exprimer peut ne pas recevoir les soins adéquats 40.


2.5.3 Les personnes aînées vivant des réalités particulières

Certaines personnes aînées vivent des réalités particulières, notamment celles qui appartiennent à une communauté culturelle, celles qui peuvent subir de l’homophobie, celles qui ont une incapacité. La maltraitance qu’elles subissent revêt des formes différentes et il peut être nécessaire de recourir à des actions spécifiques pour la contrer.

L’appartenance à une communauté culturelle 41
Selon les données du recensement de 2006, un groupe hétérogène de 149 110 42 personnes immigrées de 65 ans ou plus (79 565 femmes et 69 545 hommes) vivent au Québec. Plusieurs d’entre elles vivent à l’écart parce qu’elles ne parlent pas la langue commune ou que leurs us et coutumes diffèrent de ceux de leur société d’accueil. Or, comme elles connaissent mal le réseau de la santé et des services sociaux, le réseau communautaire, les lois et les recours, elles doivent compter sur autrui pour interagir avec le monde extérieur. De plus, dans certains cas de sénilité, on constate que les personnes âgées peuvent oublier la langue du pays d’accueil pour parler leur langue maternelle. Cette situation s’explique par le fait que ces personnes perdent peu à peu l’usage de leur mémoire à court terme ou récente, et se souviennent donc plus facilement de la première langue qu’elles ont utilisée 43.

L’orientation sexuelle
La première génération de personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou transgenres qui est sortie du placard et qui a milité pour la reconnaissance de ses droits passe maintenant le cap de la soixantaine. Aux difficultés habituellement liées à l’avancée en âge, tel l’âgisme, s’ajoute l’homophobie 44. Les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou transgenres sont davantage exposées à certaines formes de maltraitance telles que la discrimination, la négligence et le harcèlement 45, ainsi qu’à des difficultés supplémentaires pour obtenir des services appropriés à leur condition 46.

La présence d’une incapacité
En 2006, les personnes aînées handicapées représentaient 32,3 % de la population québécoise de 65 ans ou plus, soit 322 240 personnes 47. En vertu de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, pour qu’une personne aînée soit considérée handicapée, elle doit avoir une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et être susceptible de rencontrer des obstacles dans l’accomplissement de ses activités courantes 48, 49. Or, selon les données, bon nombre d’aînés ont des incapacités liées à la mobilité, à l’audition, à la vision ou à l’agilité et peuvent également souffrir de douleurs chroniques 50. Ces différentes incapacités peuvent les rendre plus vulnérables à la maltraitance. Ainsi, une personne ayant une surdité ou une dégénérescence maculaire liée à l’âge* peut éprouver des difficultés importantes pour communiquer avec son entourage, ce qui a pour effet de l’isoler davantage et de la rendre plus susceptible de subir de la maltraitance. Par ailleurs, certaines personnes aînées handicapées sont particulièrement vulnérables à toute forme d’abus et de négligence du fait qu’elles dépendent d’autrui pour les activités de la vie quotidienne. Ce lien de dépendance étroit avec l’entourage peut faire qu’elles ne dénoncent pas les gestes de maltraitance commis à leur endroit. Notons enfin que, selon le type de handicap, la capacité d’adaptation et le degré de vulnérabilité peuvent être différents si l’incapacité se produit avec l’âge.

* La dégénérescence maculaire est une maladie de l’oeil qui constitue la principale cause de déficience visuelle chez les personnes âgées de 50 ans ou plus en Occident. Elle est provoquée par une atteinte à la macula qui mène à la perte graduelle ou soudaine de la vision centrale.

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Les personnes inaptes
Les citoyens déclarés inaptes sont parmi les plus vulnérables de la société : ils sont donc particulièrement exposés à la maltraitance et ils forment de facto une population à risque. Les personnes aînées constituent déjà une part importante des populations protégées, mais cette proportion va en grandissant, et les maladies dégénératives sont désormais la première cause d’ouverture de nouveaux régimes de protection juridique. Les abus ou négligences dont elles sont victimes se rapportent généralement à leurs besoins essentiels : l’alimentation, l’hygiène, le logement, la liberté d’aller ou de venir, les soins médicaux, la médication, leur revenu…


2.5.4 Les membres des nations autochtones
En 2007, les Autochtones représentaient près de 1 % de la population totale du Québec, soit environ 87 250 personnes réparties en onze nations : dix nations amérindiennes et la nation inuite 51. Les Autochtones sont considérés comme des aînés dès l’âge de 55 ans, et la proportion d’aînés y est estimée à 14,7 % de la population, soit environ 12 800 personnes 52. Dans l’ensemble des communautés, certaines conditions peuvent accroître le risque de maltraitance : pénurie de logements, surpeuplement, pauvreté, isolement, toxicomanie, diminution des modes de vie traditionnels 53. La méconnaissance du français et de l’anglais, la méconnaissance des droits des personnes aînées et des recours possibles ainsi que le manque d’information sur les programmes et services constituent des facteurs de risque supplémentaires. Les aînés qui vivent hors réserve risquent, en plus, l’exclusion sociale.


2.6 Les caractéristiques des personnes qui maltraitent

Établir de façon spécifique et uniforme le profil d’une personne qui commet des actes de maltraitance s’avère complexe. Il peut s’agir d’un voisin, d’un fournisseur de services, d’un intervenant ou de toute autre personne qui est en relation avec l’aîné 54. La plupart des études 55 révèlent que les situations les plus usuelles de maltraitance à domicile sont celles qui impliquent un enfant adulte ou un conjoint. La maltraitance exercée par des proches découle souvent de dynamiques relationnelles complexes, établies de longue date. Dans un couple, elle peut se traduire par la poursuite ou la transformation d’une situation de violence conjugale 56. Dans la relation parent-enfant adulte, elle peut être le fait d’un renversement de situation à l’égard d’un parent qui a été violent ou négligent envers ses enfants, ou encore, d’une relation malsaine de codépendance entre proches 57.

Au Québec, les données du ministère de la Sécurité publique illustrent que la majorité (7 sur 10) des personnes aînées qui, en 2007, ont été victimes d’une infraction contre la personne connaissaient l’auteur présumé de l’infraction.

Répartition des personnes aînées de 65 ans ou plus
victimes d’infractions contre la personne, selon la relation avec l’auteur présumé
Type de relationRelation avec la victime%
Famille
(30 %)
Conjoint ou ex-conjoint8 %
Enfant14 %
Autre membre de la famille immédiate6 %
Parent éloigné2 %
Connaissance
(38 %)
Simple connaissance29 %
Ami, ami intime3 %
Relation d’affaires6 %
Étranger ou auteur
non identifié(32 %)
Étranger25 %
Auteur non identifié7 %

Source : ministère de la Sécurité publique, Québec, 2007.

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Enfin, plus globalement, un autre phénomène, l’âgisme, peut avoir une influence sur l’incidence de la maltraitance. Apparenté au sexisme et au racisme, il se définit comme un ensemble d’attitudes négatives ou hostiles contre une personne ou un groupe en raison de l’âge qui peuvent entraîner des gestes préjudiciables ainsi qu’une forme de marginalisation sociale 58. L’âgisme regroupe toutes les formes de discrimination ou de ségrégation fondées sur l’âge. Dans une société où l’âgisme est répandu, il est généralement admis que le degré de tolérance à l’égard de la maltraitance est plus élevé 59. Comme l’âgisme se manifeste dans toutes les sphères de la vie, certains chercheurs concluent qu’il pourrait même affecter la mise en place de services de soutien adéquats pour les aînés en situation de maltraitance 60. Il arrive de constater que des personnes aînées ne dénoncent pas la maltraitance qu’elles subissent parce qu’elles ont, elles-mêmes, intégré à leur comportement une forme d’âgisme.


2.7 L’effet de la maltraitance sur les personnes qui la subissent

Comme le précise la définition retenue pour ce plan d’action gouvernemental, la maltraitance est un comportement causant du tort et de la détresse chez les personnes aînées. Celles-ci, en plus d’en subir des séquelles physiques temporaires ou permanentes, peuvent aussi éprouver un sentiment croissant d’insécurité, se replier sur elles-mêmes, perdre du poids, devenir malades ou anxieuses. Il arrive aussi qu’elles se sentent déprimées et confuses. Toutes ces conséquences portent atteinte à leur qualité de vie. Il en va de même pour les personnes aux prises avec la maltraitance matérielle ou financière. Leur qualité de vie se trouve affectée lorsqu’elles perdent les épargnes qui avaient été prévues pour assurer leur bien-être en fin de vie, lorsqu’elles constatent qu’elles seront incapables de redresser leur situation financière parce qu’elles avancent en âge ou encore, lorsqu’elles voient leurs conditions de vie se détériorer 61. Une augmentation de la fréquentation des urgences et une hausse du taux de morbidité associé à la violence et à la négligence sont observées dans quelques études 62. Dans certains cas, la conséquence ultime de la maltraitance peut être le suicide.

Le suicide
Au cours de la dernière décennie, le taux de mortalité par suicide a décliné chez les 50 ans ou plus, comme dans chacun des autres groupes d’âge, bien qu’avec moins d’ampleur que dans certains groupes. Cette baisse se produit malgré l’augmentation du nombre absolu de suicides, qui est passé, pour cette catégorie d’âge, de 378 en 2000 à 449 en 2008. Ce paradoxe s’explique par le fait que le groupe des 50 ans ou plus est numériquement de plus en plus important, ce qui entraîne une hausse du nombre absolu des suicides en dépit d’une incidence moindre du phénomène 63.

Par ailleurs, des chercheurs 64 ont établi que les suicides des 64 à 75 ans, tout comme ceux des plus de 75 ans, sont causés d’abord par la solitude, puis par des conflits interpersonnels – ce qui inclut les situations de maltraitance. Cependant, peu de travaux se sont spécifiquement penchés sur le lien entre le suicide des personnes aînées et la maltraitance 65. Ce que l’on sait par ailleurs, c’est que les personnes qui n’ont pas eu la chance de transcender une situation de maltraitance, parce qu’elles auraient été mal accompagnées par exemple, développent plus de comportements autodestructeurs que les autres, dont des idées suicidaires, d’où l’intérêt d’augmenter la vigilance à cet égard et de s’intéresser à l’ensemble du parcours de vie plutôt que de se limiter à des événements récents.

Selon une étude québécoise, la majorité des Québécois de 60 ans ou plus qui se sont suicidés présentaient peu de problèmes chroniques de santé, mais plutôt des troubles psychiatriques tels que la dépression. Également, dans plus de la moitié des cas, la personne avait consulté un praticien généraliste ou un spécialiste deux semaines avant son décès 66.


On notera que le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 – La force des liens prévoit la mise en place d’un réseau de sentinelles en prévention du suicide dans toute la province. Les milieux fréquentés par les aînés seront particulièrement ciblés, ce qui permettra de mieux détecter les personnes aînées à risque. Soulignons, de plus, que le ministère de la Santé et des Services sociaux collabore avec l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic. Cette dernière a reçu une subvention du ministère de la Famille et des Aînés afin d’élaborer un projet de réseau de sentinelles en prévention du suicide chez les personnes âgées de 50 à 64 ans. Le ministère de la Santé et des Services sociaux termine, également, la rédaction d’un guide de bonnes pratiques à l’intention des intervenants et des gestionnaires des centres de santé et de services sociaux pour qu’ils puissent repérer les personnes qui présentent un risque de suicide, dont les aînés. Enfin, par l’entremise de ses programmes, le ministère de la Famille et des Aînés continuera de subventionner des projets destinés à contrer le suicide.

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2.8 Les facteurs de protection

Il n’existe pratiquement pas d’études permettant de documenter, de manière scientifique, les facteurs de protection contre la maltraitance. Toutefois, selon les experts consultés, une société qui veut protéger ses aînés doit savoir que les facteurs de protection sont davantage psychosociaux qu’individuels et que beaucoup d’efforts doivent être placés du côté de la prévention. Ainsi, une personne aînée sera mieux protégée si les conditions suivantes sont réunies, peu importe le type de maltraitance :

  • un réseau ou un soutien social adéquat permettant, entre autres, de briser l’isolement;
  • un environnement physique et psychosocial sain dans lequel la personne aînée se sent en sécurité;
  • une information adaptée aux besoins de la personne aînée ou de son représentant sur les sujets liés à la maltraitance et sur les endroits où cette information est disponible;
  • un entourage qui connaît l’existence et les différentes facettes du phénomène de la maltraitance envers les personnes aînées;
  • un soutien donné aux proches aidants;
  • la capacité des proches et du personnel de comprendre le vieillissement dans ses manifestations les plus usuelles (altérations de la vue, de l’ouïe, de la parole, de l’équilibre), mais aussi de ne pas se sentir dépourvus devant la manifestation de symptômes associés à certaines maladies liées au grand âge (démence, maladie de Parkinson);
  • une formation adéquate des différents intervenants qui soutiennent la personne aînée à domicile.


2.9 Les bonnes pratiques

Quelles sont les approches reconnues ainsi que les outils terrain ayant fait leurs preuves dans la lutte contre la maltraitance ?

Pour être efficace, l’organisation des services ne doit pas être fragmentée ou en rupture de continuité 67 et la collaboration interprofessionnelle 68 ou le travail en équipe interdisciplinaire doivent s’y pratiquer. Cette continuité interne et entre organismes soulève des enjeux de coordination, de communication, d’allocation des ressources, d’arrimage de cultures organisationnelles ou professionnelles, d’application de lois et de révision de politiques. On doit aussi pouvoir évaluer avec justesse la capacité de la personne maltraitée à émettre un jugement libre et éclairé sur sa situation et à prendre des décisions sur ce qui la concerne 69.

La formation initiale et la formation continue de l’ensemble des intervenants, la discussion de cas de maltraitance au sein des équipes interprofessionnelles et la mise sur pied d’équipes spécialisées dans certains services recevant une clientèle gériatrique sont des gages de bonnes pratiques. Idéalement, les services doivent aussi être organisés selon les besoins des aînés : hébergement temporaire (de type violence conjugale), unité de répit, counselling individuel ou de groupe, fonds de prévoyance en cas d’urgence, assistance juridique, gestion de cas, évaluation de l’état cognitif et affectif, programme de soutien direct aux aînés maltraités, services de soutien de divers ordres (y compris, notamment, l’entretien ménager et la livraison de repas) et application de mesures de protection pour les plus vulnérables 70.


2.10 Quelles conclusions tirer de cet état des connaissances ?

En raison du sentiment de honte ou de culpabilité qui l’entoure, la maltraitance à l’endroit des personnes aînées fait partie des sujets que l’on s’interdit généralement d’aborder en société. Entourée d’un certain tabou, la maltraitance est aussi un phénomène complexe, multidimensionnel et plus répandu qu’on ne peut le soupçonner à l’heure actuelle. Plusieurs aspects de cette problématique auraient intérêt à être mieux documentés : sa prévalence, les caractéristiques des personnes qui sont maltraitées comme de celles qui maltraitent ou, encore, les facteurs qui peuvent contribuer à augmenter la vulnérabilité des aînés vivant des contextes particuliers. Nous savons par ailleurs qu’il existe des conditions, à définir ou à mettre en place, pour que les milieux soient exempts de maltraitance. Des efforts afin de faciliter la cohérence entre les divers services existants, et ce, tant à l’intérieur des organismes qu’entre organismes, constituent aussi une piste de solution à examiner.

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3. L’organisation actuelle des services au Québec

Il y a beaucoup de services en place. Sont-ils assez connus ?

Depuis une vingtaine d’années, et depuis 1976 dans le cas de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, plusieurs instances gouvernementales, parapubliques et privées se sont intéressées au phénomène de la maltraitance. Des ressources et des services ont été développés pour favoriser la prévention, mais aussi le dépistage et l’intervention. Pour accroître l’efficacité des mesures existantes et proposer des complémentarités, il convient d’abord de présenter l’offre de services actuellement disponible et, dans un second temps, de voir comment elle répond à l’ensemble des besoins.


3.1 L’environnement légal

Les aînés impliqués dans une situation de maltraitance peuvent se prévaloir de la protection prévue par la Charte canadienne des droits et libertés, qui régit les interactions entre l’État (gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux) et les particuliers (personnes et personnes morales). Il est important de noter que la Charte canadienne prémunit spécifiquement les citoyens aînés contre la discrimination fondée sur l’âge. Elle ne s’applique pas aux relations entre particuliers.

Il est également possible d’invoquer la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui permet des recours contre toute personne, institution ou entreprise contrevenant à ses dispositions. L’âge est un motif de discrimination interdit par la Charte, sauf si la distinction est établie par une loi ou un règlement. En sus de la protection accordée à toute personne, l’article 48 garantit aux personnes aînées un droit spécifique, le droit à la protection contre l’exploitation :

« Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d’être protégée contre toute forme d’exploitation. »
« Telle personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu 71. »

Par ailleurs, les dispositions du Code civil du Québec offrent des possibilités de recours aux personnes dont les droits ont été lésés dans le cours de rapports avec d’autres citoyens ou de rapports entre des personnes et des biens. Les contrats de vente et de donation, les successions et les problèmes de logement sont notamment régis par ce Code. De plus, lorsqu’une personne est inapte à exercer ses droits civils, le Code civil du Québec prévoit quatre mesures de protection pour pallier son inaptitude : la tutelle, la curatelle, le conseiller au majeur et le mandat en prévision de l’inaptitude. Ces mesures diffèrent suivant la gravité de l’inaptitude et le fait qu’elle soit permanente ou temporaire. Elles peuvent toucher : la personne; ses biens; la personne et ses biens. D’autre part, lorsqu’il s‘agit d’actes de nature criminelle, tels que la négligence grave, le vol, l’extorsion, l’abus de confiance, les voies de fait, ce sont les dispositions du Code criminel canadien qui s’appliquent.

Finalement, un ensemble de lois plus spécifiques permet d’encadrer certaines relations ou certains droits, tels les relations entre les professionnels et les citoyens (le Code des professions 72), les droits des usagers du système de santé et de services sociaux (la Loi sur les services de santé et les services sociaux 73), les droits des victimes d’actes criminels (le Code Criminel ou la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels 74). Certaines de ces lois spécifiques complètent et précisent le Code civil. À titre d’exemples, la Loi sur le Curateur public du Québec 75, lorsqu’il s’agit de personnes inaptes, la Loi sur la Régie du logement 76, lorsqu’il s’agit de logement ou encore, la Loi sur la protection du consommateur 77, afin de punir les actes contraires à l’ordre public en matière contractuelle.

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3.2 L’environnement administratif

À ces assises législatives viennent s’ajouter les politiques, plans d’action, orientations stratégiques, programmes ministériels et cadres de référence dont se dotent les ministères et organismes pour organiser les services publics offerts à la population. Sans être toujours spécifiquement lié à la thématique de la maltraitance, le contenu de ces documents contribue à la mise en place de conditions propices au développement d’environnements et de milieux de vie exempts de maltraitance.


3.3 Les services

Il revient aux ministères et organismes gouvernementaux d’élaborer et de mettre en oeuvre les actions nécessaires en vue de favoriser des environnements sans maltraitance. La mission des organismes qui offrent ce type de services donnant des effets dans la lutte contre la maltraitance ne s’adresse pas toujours spécifiquement aux personnes aînées et les services peuvent diverger d’une région à l’autre. Parmi ces services, certains visent la prévention de la maltraitance. D’autres en facilitent le dépistage. D’autres encore soutiennent la possibilité d’intervention en facilitant l’identification des ressources d’aide ou l’exercice de recours administratifs (mécanismes de plainte) ou judiciaires.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a réalisé au cours des dernières années de nombreuses actions qui contribuent à contrer la maltraitance. En voici quelques-unes.

Pour les CHSLD :

  • Les visites d’appréciation dans les CHSLD, les ressources intermédiaires et les ressources de type familial;
  • L’adoption d’orientations et d’un plan d’action gouvernemental visant à mieux encadrer et à réduire le recours aux mesures de contrôle chez les personnes hébergées en CHSLD. Un programme de formation et un cadre de référence ont été établis;
  • L’obligation faite aux établissements d’avoir un code d’éthique et de le diffuser;
  • L’obligation faite aux établissements de nommer un commissaire local aux plaintes et à la qualité des services;
  • L’obligation faite aux commissaires aux plaintes et à la qualité des services de diffuser l’information sur les droits et les obligations des usagers et sur le code d’éthique, de faire la promotion du régime d’examen des plaintes et de s’assurer de la publication de la procédure;
  • L’obligation de constituer un comité de résidents dont les fonctions sont de renseigner les usagers sur leurs droits et leurs obligations, de promouvoir l’amélioration de la qualité des conditions de vie des usagers et d’évaluer le degré de satisfaction des usagers à l’égard des services rendus, de défendre les droits et les intérêts collectifs des usagers et d’accompagner et assister, sur demande, un usager dans toute démarche qu’il entreprend, y compris lorsqu’il désire porter une plainte;
  • L’obligation faite aux directeurs généraux de faire connaître au personnel (cadre et salarié) le cadre de référence pour le signalement de comportements en établissement hébergeant des personnes vulnérables.

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Pour les résidences pour personnes âgées :

  • L’obligation de tous les exploitants de détenir un certificat de conformité pour exploiter leur résidence.
  • Le Conseil québécois d’agrément est l’organisme reconnu par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour effectuer la vérification de conformité aux critères sociosanitaires de chacune des résidences pour personnes âgées.
  • Au nombre des critères sociosanitaires, l’obligation faite aux exploitants de remettre à chaque personne aînée hébergée un document d’accueil qui doit préciser la procédure de gestion des plaintes et fournir le nom et le numéro de téléphone du commissaire régional aux plaintes et à la qualité ;
  • Au nombre des critères sociosanitaires, l’obligation faite aux exploitants de remettre à chaque personne aînée hébergée un document d’accueil qui doit présenter le code d’éthique énonçant les pratiques et les conditions attendues du personnel de la résidence envers les résidents. Il énonce également les obligations des résidents.
  • Dans le cadre de la révision du règlement sur les conditions de certification, l’obligation d’afficher la procédure d’examen des plaintes avec les coordonnées du commissaire régional aux plaintes et à la qualité sera examinée.

Quelques lignes téléphoniques et organismes :

  • Lignes téléphoniques offrant un service confidentiel et anonyme*
    • Centre de prévention du suicide (1 866-APPELLE)
    • Ligne de référence – aînés, initiative de la Table de concertation des aînés de l’Île de Montréal et du Centre de référence du Grand Montréal (1 514 527-0007)78
    • igne Tel-Aînés, exploitée par l’Association du personnel retraité de l’Université du Québec à Montréal (1 514 353-2463)79
    • Ligne téléphonique de l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (1 866 497-1548) 80
    • Ligne Agression sexuelle (1 888 933-9007 ou 514 933-9007)
    • S.O.S. Violence conjugale (1 800 363-9010 ou 514 873-9010)
    • Service 211 dans les régions de Québec et de la Chaudière-Appalaches 81
    • Service 311 – Allô, Montréal 82

  • Regroupements liés aux personnes aînées
    • Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec
    • Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées
    • Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic
    • FADOQ
    • Tables régionales de concertation des aînés

  • Organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux
    • Autorité des marchés financiers
    • Centres d’aide aux victimes d’actes criminels
    • Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
    • Curateur public du Québec
    • Office de la protection du consommateur
    • Office des personnes handicapées du Québec
    • Protecteur du citoyen

* Il faut souligner l’important travail du Centre de santé et de services sociaux Cavendish et de son équipe de bénévoles, qui ont exploité la ligne Info-Abus pendant plus de quinze ans, à raison de plus ou moins 1 000 appels par année.

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4. Vers un plan d’action

Mieux utiliser nos services en les coordonnant davantage et en misant sur le travail intersectoriel.

Vers qui une personne peut-elle se tourner lorsqu’elle est impliquée dans une situation de maltraitance ? Il est intéressant de constater qu’il existe de très nombreuses portes auxquelles frapper et que beaucoup d’efforts ont été consentis, notamment dans le réseau de la santé et des services sociaux, pour contrer plusieurs formes de maltraitance. Mais la véritable question demeure : parmi les personnes impliquées dans une situation de maltraitance (aînés, témoins, intervenants…), combien utilisent les services ? Certaines ont peur d’une récidive ou ne veulent pas se retrouver isolées. D’autres personnes aînées ne sont pas conscientes d’être maltraitées. Enfin, certaines ne savent tout simplement pas vers qui se tourner pour recevoir de l’aide.

Lors de la consultation publique sur les conditions de vie des aînés du Québec tenue en 2007, de nombreux participants ont demandé que l’accès aux services soit amélioré, que ces services soient mieux connus et qu’il soit possible pour les personnes aînées en situation de maltraitance de les trouver à proximité de leurs milieux de vie.

Une meilleure coordination et une plus grande harmonisation des actions ainsi que le développement d’approches intersectorielles sont autant d’avenues à explorer pour améliorer l’offre de services, tant pour les personnes aînées qui font l’objet de maltraitance que pour les personnes qui gravitent autour d’elles. La capacité à travailler de façon intersectorielle et à agir en complémentarité est un ingrédient essentiel à la réussite de ce plan d’action.

Les défis qu’aura à surmonter la société québécoise pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées sont nombreux. La deuxième partie du document expose les actions qui seront engagées pour les relever et mieux répondre aux besoins des personnes aînées touchées par la maltraitance ou de leurs proches. Les principaux enjeux du plan d’action concernent deux caractéristiques, soit la méconnaissance de la maltraitance et la complexité du phénomène, et une condition essentielle à la réalisation des objectifs gouvernementaux, soit la nécessité de renforcer le continuum de services en prévention, en dépistage et en intervention. Rappelons qu’il s’agit d’un premier plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance. D’une durée de cinq ans, il pourra être ajusté en tenant compte de l’évolution de sa mise en oeuvre. Il entraînera l’instauration de nouvelles pratiques, mais aussi une nouvelle sensibilisation et une perception différente de ce phénomène.

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Dernière mise à jour :
14 décembre 2012