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Centres de la petite enfance et garderies

 
La probiotique : peut-on combattre le feu par le feu?


Claire Béliveau, Microbiologiste infectiologue Hôpital Maisonneuve-Rosemont

La diarrhée est le problème de santé le plus fréquent en service de garde après les infections des voies respiratoires supérieures (rhume, infections de la gorge). Elle se manifeste par un nombre de selles deux fois plus élevé que d'habitude ou par un changement de la consistance des selles, qui tendent à devenir liquides. Les microbes le plus souvent en cause sont les virus, suivis des parasites, notamment le Giardia lamblia, et les bactéries comme Shigella et Escherichia coli O157H7 (à l'origine de ce qu'on appelle souvent « maladie du hamburger »). L'administration d'antibiotiques pour traiter une infection peut aussi provoquer la diarrhée. Que la diarrhée soit infectieuse ou attribuable aux effets secondaires des antibiotiques, son traitement repose d'abord et avant tout sur la réhydratation et le remplacement électrolytique. La transmission des agents infectieux se fait par voie fécale-orale, d'où l'importance que l'enfant se lave les mains, pour éviter la transmission aux adultes et aux autres enfants du services de garde.

La flore bactérienne normale

Le tractus gastro-intestinal, qui comprend tous les organes qui relient la bouche à l'anus, est un écosystème (milieu de vie) en soi. Ce tunnel représente une surface équivalente à cent fois la surface de la peau et sert d'habitat à des centaines d'espèces de bactéries. À la naissance, le tractus gastro-intestinal est stérile. En quelques heures, les bactéries ingérées au moment de l'accouchement se multiplient et « colonisent » l'intestin. L'intestin contient dix fois plus de bactéries qu'il y a de cellules dans le corps humain. Ces êtres vivants constituent la flore normale. Dans la majorité des cas, ces bactéries ne présentent aucun danger. Au contraire, elles sont même bénéfiques puisqu'elles constituent les premiers stimuli qui poussent le système immunitaire du bébé à se développer.

De plus, ces bactéries combattent les agents pathogènes (ceux qui rendent malades). Voici deux exemples qui illustrent l'effet protecteur de la flore normale.

Les antibiotiques peuvent amener la prolifération d'une bactérie appelée Clostridium difficile, capable de fabriquer des toxines qui causeront des crampes abdominales et la diarrhée.

Chez certaines femmes, les antibiotiques utilisés pour traiter les infections bactériennes causent des démangeaisons, accompagnées ou non de sécrétions blanchâtres, dans la région génitale (vulve ou vagin). Ces symptômes sont attribuables à des champignons (Candida) qui étaient peut-être présents mais qui ont pu proliférer parce que certaines bactéries
de la flore normale du vagin ont été détruites.


Qu'en est-il de la probiotique ?

Depuis quelques années, les scientifiques cherchent activement des espèces de bactéries (ou de champignons) qui pourraient prévenir la maladie ou accélérer la guérison de certaines infections, en particulier les diarrhées infectieuses. Ce domaine spécialisé s'appelle la probiotique.

Le terme « probiotique » désigne aussi un supplément nutritionnel contenant un ou plusieurs microorganismes vivants (bactéries ou champignons) qui enrichit la flore microbienne normale pour prévenir ou traiter une maladie. La « bactérie » idéale doit posséder plusieurs qualités. Elle doit pouvoir traverser l'estomac sans être détruite par l'acidité naturelle de celui-ci et résister aux sécrétions du petit intestin, qui l'aspergera de bile. Elle doit posséder à sa surface un récepteur (une sorte de crochet) qui lui permet de s'attacher aux cellules normales du côlon (gros intestin), sans quoi elle sera rapidement évacuée. Elle doit faire la preuve qu'elle ne peut pas nuire à son hôte en traversant accidentellement le mur de l'intestin, ce qui entraînerait de la fièvre et d'autres complications. Et par-dessus tout, elle doit démontrer son efficacité à prévenir ou à traiter la maladie concernée.

Deux bactéries et un champignon ont réussi leur premier examen d'entrée : Lactobacillus rhamnosus GG, Lactobacillus reuteri et Saccharomyces boulardii. Quelques études scientifiques, qui ont été publiées, tendent à démontrer leur rôle bénéfique pour réduire le risque de contracter une gastroentérite virale et pour accélérer la guérison le Clostridium difficile (diarrhée associée à la prise d'antibiotiques) et le rotavirus (principale cause de la gastroentérite survenant l'hiver chez l'enfant de moins de cinq ans). Toutefois, les études ont également prouvé l'inefficacité de cette thérapeutique pour les diarrhées causées par des bactéries telles Shigella, Salmonella, Campylobacter et E. coli.

Les microorganimes considérés comme prometteurs par les scientifiques
ne sont pas encore offerts dans les pharmacies au Canada.

En conclusion, il y a encore loin de la coupe aux lèvres puisque les microorganimes considérés comme prometteurs par les scientifiques ne sont pas encore offerts dans les pharmacies au Canada. Il faut également souligner que, parmi les dizaines d'espèces de lactobacilles, deux seulement présentent, de l'avis des chercheurs, un intérêt médical. On trouve plusieurs produits probiotiques dans les magasins d'aliments naturels mais il faut faire attention : la dénomination « probiotique » n'est pas une garantie d'effi- cacité. Il ne suffit pas de s'appeler Surin pour être capable de courir le 100 mètres en moins de dix secondes.

Dernière mise à jour :
11 mai 2009